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28 mai 2012

Quel avenir pour les démocraties modernes ?

Capture d’écran 2012-05-28 à 01.41.41.jpgLaissons de côté pour cette fois la vie de notre si paisible commune pour nous intéresser à un très bon article de Stéphanie ARC, parut dans Le Journal du CNRS de ce mois ci. Le Journal de Quoi me direz vous ? du C.N.R.S. ... Nos scientifiques quoi ;-> ! En tout cas, l'important c'est ce que l'article raconte. En voici une petite synthèse :

S.A. : ... il paraît primordial d’interroger le concept de démocratie. En Occident, si tous les pays s’en réclament, n’y a-t-il pas toutefois entre eux des différences de fonctionnement ?

Yves Sintomer (professeur de science politique au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris) : Il faut d’abord distinguer les systèmes européens de celui des États-Unis, où l’influence de l’argent est telle qu’on peut parler de ploutocratie. Sur le continent européen, ... presque tous les pays ont adopté un système démocratique, au moins formellement. Certains pays, comme la Hongrie depuis quelques années, sont cependant entrés dans une spirale autoritaire. ...

Loïc Blondiaux (politologue au Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne) : Un point commun majeur est que toutes sont des démocraties représentatives, une forme de démocratie qui s’est construite à la fin du XVIIIe siècle après les révolutions et s’est imposée partout. C’est un modèle qui repose essentiellement sur l’élection. Mais ce critère suffit-il aujourd’hui à qualifier un régime de démocratie, alors que le poids du citoyen sur la prise de décision par les gouvernants est de plus en plus faible ?

S.A. : Est-ce à dire que nos démocraties n’en sont pas vraiment ?

Y.S. : ... nos systèmes politiques ... comportent des dimensions démocratiques et d’autres qui ne le sont pas. D’une part, les élections s’y avèrent à peu près libres, ... et les prises de décision passent par certains moments de discussion publique. Mais, d’autre part, le pouvoir est exercé par une élite finalement peu contrôlée, dont le mode de vie et la vision du monde diffèrent de celle de la masse des citoyens. ... l’élite politique est très proche de l’élite économique et beaucoup plus sensible aux pressions des lobbys que des mouvements citoyens.

L.B. : Si on définit la démocratie par l’égale chance pour chaque citoyen d’influencer le pouvoir de décision, nos sociétés se sont considérablement éloignées de cet idéal au cours des dernières décennies. D’abord, certaines catégories de la population, comme les jeunes et les catégories populaires, sont beaucoup moins bien représentées politiquement que d’autres ...

S.A. : Nous serions donc à mille lieues de l’idéal antique, celui de la démocratie athénienne ?

Y. S. : ... D’un côté, nous vivons dans des systèmes infiniment plus démocratiques aujourd’hui. À l’époque athénienne, la majorité des habitants (les femmes, les esclaves, les étrangers) étaient exclus de la citoyenneté ... D’un autre côté, chacun était à tour de rôle gouvernant et gouverné, grâce à des mécanismes comme l’assemblée générale des citoyens, qui concentrait l’essentiel du pouvoir décisionnel, le tirage au sort de la majorité des charges politiques parmi les citoyens volontaires ...

L.B. : La différence fondamentale réside dans le fait que le pouvoir est actuellement exercé par une classe politique professionnelle. Cette professionnalisation, selon un modèle de plus en plus proche de celui de l’oligarchie, prolonge en réalité le principe sur lequel se sont fondés les inventeurs de la démocratie représentative : tout le monde n’est pas capable d’exercer des charges gouvernementales. À leurs yeux, les représentants du peuple devaient gouverner à la place d’une opinion publique jugée versatile et dangereuse ...

S.A. : Qu’en est-il précisément de la démocratie française ?

Y.S. : La France est le seul pays d’Europe où une même personne, le président de la République, incarne la communauté politique et gouverne tout à la fois ... Par ailleurs, dans nos frontières, le poids du législatif par rapport à l’exécutif est particulièrement faible, et le cumul des mandats, généralisé. Notre système est vraiment très déséquilibré.

L.B. : ... Des formes de prise de décision autoritaires et personnalisées s’observent à tous les niveaux, au niveau national (présidence de la République) comme au niveau local (maire) ... Avec cette culture de l’autorité va aussi une absence de culture des contre-pouvoirs et d’acceptation de la possibilité d’une remise en question des pouvoirs élus. La France est un exemple ... de démocratie majoritaire où, lorsqu’un pouvoir l’a emporté grâce à l’élection, il peut faire ce qu’il veut. On est loin de l’idéal démocratique !

S.A. : Comment concevoir une démocratie plus... démocratique ?

Y. S. : Il faudrait une nouvelle révolution ... Plus concrètement, il faut en finir avec l’idée que seuls les élus, par la grâce de l’élection, peuvent incarner l’intérêt général et donc monopoliser la prise de décision. Il faudrait ouvrir le champ à des assemblées citoyennes tirées au sort ou à des organismes réunissant tous les acteurs concernés, sur le mode du Grenelle Environnement, permettre les référendums d’initiative populaire, favoriser une meilleure délibération publique, ...

L.B. : ... D’abord, il y a nécessité d’une réforme institutionnelle, qui valorise notamment le contrôle parlementaire. Il faut aussi limiter le cumul des mandats. Ensuite, il est urgent de mettre en place des mécanismes de démocratie délibérative ... Enfin, on ne pourra absolument pas changer de système s’il n’y a pas un réveil citoyen via des mouvements sociaux de masse, des mobilisations ...


S.A. : Enjeux climatiques, défis socio-économiques... N’est-ce pas à l’échelle internationale que les choses se jouent aujourd’hui ?

Y. S. : En effet, ces défis sont planétaires ... Il faut donc inventer d’autres dynamiques politico-institutionnelles, notamment en ouvrant les instances de négociations internationales aux acteurs de la société civile, et pas seulement aux gouvernements et aux élites économiques.

L.B. : ... La question est donc : faut-il penser une assemblée mondiale qui reproduirait la logique de l’élection et de la représentation, ou inventer une démocratie cosmopolitique d’un autre type ?


Edifiant, non ? En tout cas, nos scientifiques ne pratiquent pas la langue de bois (ce qui est plutôt rassurant).

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Commentaires

J'aime bien-sûr !

Écrit par : PG | 28 mai 2012

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